Vaccinations ? Vermifugations ? Autres soins préventifs ?
MAIS QUE FAIRE ???
On me demande mon avis sur cette question et c’est avec plaisir que je réponds. Ce qui va suivre dans cet article est le fruit de mon expérience et de mes diverses réflexions acquises au fil des ans. D’autres personnes, vétérinaires ou non, auront peut-être d’autres approches des problèmes, c’est parfois embêtant mais c’est ainsi. Il faut parfois choisir ...
Voici donc mes quelques réflexions :
1 - Les médicaments :
Aucun médicament dans le monde n’est officiellement agréé pour les camélidés. Donc on utilise - à nos risques et périls - des médicaments prévus pour les vaches, cochons, chevaux, etc. Heureusement pour nous, ça marche à peu près bien. Il existe cependant quelques médicaments pour lesquels je souhaite vous mettre en garde.
D’abord les vaccins dits «vivants». Ces vaccins contiennent encore des parties vivantes de virus ou de bactérie. Ils ont été testés sur certaines espèces animales et leur innocuité vis-à-vis de ces animaux est prouvée. Ils n’ont pas été testés sur des camélidés donc il est impossible d’affirmer qu’ils ne sont pas dangereux pour le voisinage par excrétion - pourquoi pas - d’un nouveau virus qui aurait muté. C’est de notre responsabilité de ne pas faire n’importe quoi. Heureusement, il en existe de moins en moins sur le marché.
Ensuite les sérums. Il n’existe pas de sérum homologue, c’est-à-dire fabriqué avec du sang de camélidé. Un sérum hétérologue peut occasionner un choc anaphylactique (allergique) mortel, et c’est peut-être dommage de tenter le diable ; d’autres solutions existent.
Puis les antibiotiques «c’est pas automatique» comme le dit si bien la récente campagne publicitaire. Ne faites pas n’importe quoi avec ces molécules. Leur utilisation trop massive crée de plus en plus de résistances des microbes. Il faut chaque fois découvrir de nouvelles molécules actives. Malheureusement les bactéries sont plus rapides que nous. Il y a plus de 20 000 décès humains pas an en Europe par infection contre laquelle plus rien ne marche. C’est un problème de conscience collective qui se heurte un peu au lobby de certains laboratoires...
Enfin les corticoïdes qui ont l’inconvénient, lorsqu’ils sont injectés, de faire avorter les femelles en fin de gestation. Ceci est bien connu des vétérinaires. Mais attention aux collyres ou pommades ophtalmiques contenant des corticoïdes qui sont sans effet abortif sur les mammifères ... sauf chez les camélidés !!! Pensez bien à le dire à votre vétérinaire lors d’un soin sur un oeil car il ne le sait pas forcément. C’est dommage de faire avorter votre alpaga pleine de 9 mois pour un bobo à l’oeil ...
2 - Les vaccinations :
Aucune n’est encore obligatoire donc si un propriétaire ne veut pas vacciner ses animaux, cela ne regarde que lui. Il prend son propre risque sans nuire pour autant à son voisinage. Ceci bien sûr pour les maladies actuellement connues.
Moi, j’aime bien vacciner les lamas/alpagas contre l’entérotoxémie. De plus, c’est un vaccin qui vaccine aussi contre le tétanos. Or il y a tous les ans des cas d’entérotoxémie ou de tétanos en France sur les camélidés. L’entérotoxémie est principalement liée à des stress alimentaires dont le plus important est la mise à l’herbe après plusieurs mois de foin exclusif. Donc j’aurai tendance à vacciner les adultes environ un mois avant la mise à l’herbe des animaux (disons vers la fin février). Mais j’ai un problème avec les bébés lamas ou alpagas qui naissent «tout nus» en matière d’anticorps. Le placenta des camélidés est le même que celui des juments (rien à voir avec celui des ruminants...), il ne permet pas aux anticorps de la mère de passer chez le petit. Ces anticorps vont utiliser la voie colostrale pour aller protéger le nouveau-né. C’est pourquoi je veux que le colostrum de la mère soit le plus riche possible en anticorps, et pour y parvenir, je vais vacciner la mère un à deux mois avant la date prévue de mise-bas (donc tout l'intérêt de connaître cette date). En tenant compte de ces deux paramètres, je vaccine contre l’entérotoxémie/tétanos une fois par an au printemps tous les animaux qui ne sont pas en gestation (mâles, jeunes, femelles stériles) et un à deux mois avant la mise-bas les femelles pleines. Comme elles font un petit tous les ans ou un peu plus, j’estime qu’elles sont correctement vaccinées. Et puis si une année une femelle ne fait pas de petit, je la vaccinerai au printemps avec les autres. Quant aux bébés, je les vaccine à l’âge de un mois et demi avec un rappel un mois plus tard.
Si vous achetez un animal qui n’a pas été vacciné, je vous conseille de le faire tout de suite avec un rappel un mois après. Ensuite il suivra le rythme de votre troupeau.
Je pense qu’il n’y a pas de vaccin meilleur que les autres. J’utilise le «miloxan» car il est vendu en petits flacons de 4ml (2 doses), mais rien n’empêche d’utiliser un autre vaccin vendu en plus gros conditionnement si l’on a beaucoup d’animaux à vacciner en même temps. Mais n’achetez pas un flacon de 100 doses si vous n’avez qu’un animal à vacciner (cela a été vu !) . Attention, le flacon une fois ouvert doit être utilisé rapidement (je dirais dans le mois qui suit, en le laissant au frigo) .
Et la FCO ???? Question sans réponse nette... Voici ce que nous disions en 2011, quand la FCO a fait parler d'elle, avec les sérotype 1 et 8 : "Je ne vaccine pas considérant que cette maladie n’est pas réellement dangereuse pour les camélidés, surtout pour le sérotype 8. Pour le sérotype 1, les lamas morts se compteraient sur les doigts de la main". En 2024, sévit le sérotype 3. Honnêtement je ne sais plus quoi penser de cette FCO… On parle de lamas morts, est-ce réellement de FCO , et de la souche 3 ? Si c'est bien le cas, on peut se poser la question de vacciner … mais avec un vaccin contre la souche 3, ce dernier existe-t-il ? Je ne sais pas. Mais sachant que ce sont les insectes piqueurs qui transmettent la maladie, traiter les animaux avec un repulsif insectes parait le plus intelligent pour le moment. Si on peut avoir du vaccin type 3, alors on peut envisager de l'utiliser.
Voila mon opinion toute personnelle, que je livre comme ça.
Doit-on pour autant vacciner massivement tous les camélidés de France, connaissant les effets pas toujours sympathiques du vaccin sur les femelles gestantes ? Il est quand même prouvé que les animaux ayant été en contact avec le virus développent une immunité naturelle satisfaisante. Chacun fera sa propre estimation du risque et vaccinera ou non ses animaux, surtout dans les zones où sévit le sérotype 3. Attention à la vaccination des femelles pleines, surtout les trois/quatre premiers mois de gestation.
D’autres vaccinations occasionnelles peuvent être utiles en fonction d’un contexte épidémiologique local (rage, leptospirose, ...) . C’est à discuter avec le vétérinaire du pour et du contre et surtout penser à ne pas utiliser un vaccin vivant.
3 - Les vermifugations :
Il n’existe pas de vermifuge idéal, qui traite pour tout. La première démarche rationnelle est d’avoir une «photographie» des vers parasites qui sévissent chez vous. L’analyse de crottes est un bon moyen d’avoir cette photographie. Prenez des crottes fraîches en début de semaine, mettez-les dans un sachet plastique type congélation en identifiant ce dernier, et le tout dans une enveloppe à envoyer à un laboratoire vétérinaire (Labo Départemental, Labo d’Ecole Vétérinaire, Labo de l’Alliance Pastorale ...). A la réception du résultat, faites-vous aider par votre vétérinaire pour choisir le meilleur produit. Par ordre de préférence, je préfère les produits injectables, puis les formes en pâte orale, enfin les solutions buvables. Mais je n’ai pas toujours le choix. Ainsi si je trouve des trichures, je sais que l’ivomec injectable ne marche pas et je devrai utiliser une pâte orale genre Panacur. S’il y a de la petite douve je n’ai pas trop de choix, il faut commencer avec une solution buvable ...
Autre constatation, il faut au moins doubler les doses habituellement préconisées, et plus lorsqu’on vermifuge avec une solution buvable (deux tiers avalés et un tiers recraché sur le mur ...).
Par expérience, j’ai connu plusieurs animaux décédés de parasitisme alors que le propriétaire pensait les avoir bien vermifugés : les uns vermifugés régulièrement à l’ivomec et morts de trichures car l’ivomec ne marche pas contre les trichures, les autres vermifugés régulièrement mais à dose simple donc inefficace ... C’est dommage ....
4 - Les nouveaux-nés :
J’utilise un protocole systématique de soins aux nouveau-nés. A la naissance, désinfection du cordon ombilical par trempage dans la teinture d’iode. Le soir, si je ne suis pas sûr qu’il ait tété, je lui fais boire un peu de colostrum (entre 10 et 30ml) récupéré en trayant la mère ou sorti de mon congélateur (tout éleveur devrait anticiper et congeler un peu de colostrum). Le lendemain : c’est trop tard car les anticorps ne pourront plus franchir la paroi intestinale. Le jour de la naissance ou le lendemain, je fais une injection de sélénium. Pour les alpagas qui naissent en hiver (pas pour les lamas), j’ajoute une injection de vitamine D car ils sont très sensibles au manque de vitamine D (apportée par le soleil et permettant de fixer le calcium). A un mois et demi, première injection de vaccin enterotoxémie/tétanos avec rappel un mois plus tard. Et c’est tout pour le systématique. S’il y a d’autres traitements à faire c’est à cause de maladie (diarrhée, ...) donc occasionnels.
5 - Les injections :
A de très rares exceptions, je ne fais jamais d’injection intramusculaire car je trouve que cela leur fait trop mal. Les intra-veineuses nécessitent de l’expérience et je ne pense pas que vous ayez suffisamment d’injections intra-veineuses à faire pour acquérir cette expérience. Sauf si vous avez envie d’apprendre. Donc je suggère tout en sous-cutané. Je fais mes injections sous-cutanées juste en avant de l’épaule. En palpant en avant de l’épaule, on sent la main qui s’enfonce : c’est là. J’écarte les poils, un peu d’alcool et j’enfonce d’un coup l’aiguille avec la seringue montée (légèrement en diagonale vers l’avant). Pincer la peau ne sert à rien sinon à inquiéter un peu plus l’animal ... et parfois à passer de l’autre coté avec l'aiguille ... c’est dommage de voir le liquide couler sur les poils !!!
Par soucis de simplification je n’utilise qu’un seul modèle d’aiguille, des jaunes 25-9/10. Cela veut dire 25mm de long et 0,9mm de diamètre. Je fais toutes mes injections avec ce modèle d’aiguille et ça fonctionne parfaitement. Seringues et aiguilles sont du matériel à usage unique et vu leur faible coût, ne risquez pas des complications en réutilisant des aiguilles (souillées, émoussées) ou des seringues qui ont servi (donc qui ne sont plus stériles). Que faut-il en stock ? Une vingtaine d’aiguilles jaunes et quelques seringues de 2ml, 10ml et 20ml. Ça suffit largement. Il suffit de passer de temps en temps chez votre vétérinaire pour refaire le stock (ce qui permet - entre autre - de garder le contact avec lui).
En conclusion, ces modestes conseils sont là pour vous aider à trouver une démarche à suivre. L’essentiel à mon avis est de rester simple, logique et précis. Et surtout respectez vos animaux qui vous le rendront bien en vous respectant à leur tour.
Bernard Giudicelli
Dr Vétérinaire
b.giudicelli-ly73@veterinaire.fr